Auteur Arnost LUSTIG
Titre original Krasné Zelené oci
Chez Livre de Poche :
Nombre de pages 360
Prix 7,10€
EAN 9782253169307
Première édition 3 Octobre 2012
Traduction Erika Abrams
Résumé
Le jour où Hanka a descendu la rampe d’Auschwitz-Birkenau, avec ses parents et son frère, elle a pris la file de gauche. Hanka est juive, elle a 15 ans, mais elle se fait passer pour une Aryenne de 18 ans. Maintenant, on l’appelle Fine et elle est la plus jeune des prostituées du Feldbordell 232 Est. On l’a stérilisée et, sur son ventre et sur son bras, on a tatoué le mot Feldhure (« putain aux armées»). Pendant vingt et un longs jours de calvaire, elle choisit de survivre à tout prix et ne cessera jamais d’espérer.
Elle avait les yeux verts est le premier livre publié en français par l’écrivain tchèque Arnošt Lustig, déporté à 15 ans à Terezin, Buchenwald et Auschwitz..
Mon avis
Retour dans l'univers sombre de LUSTIG, ces déportés qui en dépit de la cruelle réalité, ne cessent d'espérer d'échapper malgré tout à la gueule béante de l'enfer, et ces tortionnaires/complices qui ont soit succombé à la folie nazie, soit ont érigé des barrières pour arriver à survivre.
Elle avait les yeux verts est très différent de La danseuse de Varsovie, même si les deux livres se rejoingentsur le thème.
Déjà, l'histoire n'est pas linéaire, mais se focalise sur des moments, certains longs, comme les deux officiers que Fine doit accueillir, qui développent de tensions dramatiques assez dures, où l'on sent que tout peu rapidement basculer, et d'autres moments plus courts, à peine quelques lignes, où en une description rapide des conditions de vie, en deux échanges entre personnages, l'auteur parvient à reconstituer tout le contexte, le climat, l'intimité et la collectivité. Cela a un impact très réaliste (et très horrible aussi) et on entre violemment dans le quotidien de ce bordel des armées, alors que l'armée allemande se met à reculer sur le front Est.
Ensuite, mis à part quelques passages, notamment des passages dialogués, le style est plus abordable que celui de La danseuse de Varsovie. Les phrases sont plus courtes, plus incisives. On est beaucoup plus dans l'instant, on a plus l'impression d'être sur le fil, et pour cette histoire c'est vraiment salutaire.
Enfin, l'intrigue se construit de façon radicalement différente, par petites touches, par des moments qui ne sont pas forcément dans un ordre chronologique (même si une ligne temporelle est suivie) mais qui sont comme autant de petits éclats de souvenirs de la jeune fille. Et puis il y a différents points de vue qui se confrontent, non pas simplement sur les camps, mais sur la seconde guerre mondiale en général. Ainsi la perception d'un officier SS, embrigadé jeune dans les jeunesses hitlériennes, et qui se confie à la jeune fille, diffère de celle d'un officier de la Wehrmacht. Et aussi, LUSTIG introduit la propre sensibilité d'un rabin qui a échappé à la déportation, et dont les convictions humanistes et théologiques sont sérieusement remises en cause, et qui aura du mal à croire, bien qu'il ne puisse faire autrement, ce qu'il découvre.
Vraiment un livre saisissant, qui m'a interpelé surtout par ces sortes de clichés photographiques, documentaires, qui pointent du doigt tout ce qu'il y a de terrible non seulement chez les nazis, mais chez l'homme d'une façon plus générale, LUSTIG nous renvoyant le reflet du conflit côté japonais, nous invitant par-là à nous ouvrir sur d'autres guerres, plus anciennes ou plus contemporaines.
Fine ne se dévoile guère pendant le livre, mais peut-on lui en vouloir ? La dissimulation est son seul et unique moyen de survie, il est impossibble de montrer sa force sous peine de représailles, au final c'est elle qui oppose au lecteur la surface la plus lisse, la plus impersonnelle. Mais si l'on a un peu du mal à s'identifier à elle, c'est par son prisme que se révèlent les autres personnalités.