Entre-les-pages

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Auteur Gilles PARIS

Chez J'AI LU :
Nombre de pages 221
Prix 7,20€
ISBN 978-2-290-05881-7
       

Première édition Décembre 2012





Résumé
Simon, neuf ans, vit avec son père Paul et sa mère Carole dans un vaste appartement parisien au Trocadéro.
En fait, le couple n'en est plus un depuis longtemps, la faute au métier de Carole, qui l'accapare. Paul est écrivain, il écrit pour les autres. Carole est une femme d'affaires, elle passe sa vie en Australie, loin d'un mari qu'elle n'admire plus et d'un enfant qu'elle ne sait pas aimer.
Le jour où il retrouve son père dans le lave-vaisselle, Simon voit son quotidien bouleversé. L'enfant est recueilli par Lola, grand-mère fantasque et jamais mariée, adepte des séances de spiritisme avec ses amies " les sorcières ", et prête à tout pour le protéger.
Mais il rencontre aussi l'évanescente Lily, enfant autiste aux yeux violets qui semble résolue à lui offrir son aide. Porté par l'amour de Lily, perdu dans un univers dont le sens lui résiste, Simon va tâcher, au travers des songes qu'il s'invente en fermant les yeux, de mettre des mots sur la maladie de son père.

Mon avis
Un livre piqué à ma keupine Kyra pendant qu'elle avait le dos tourné ^^

Entre nous, l'histoire est très simple, pas de quoi casser trois pattes à un canard, et de mon côté (ce n'est pas le cas de Kyra) j'ai senti la fin venir à des kilomètres et j'avais toutes les réponses avant même d'arriver au milieu du livre.

Alors si vous vous contentez de la phrase au-dessus, vous vous dites sûrement que c'est un petit livre qui ne vaut pas le coup, et qui ne génère pas la surprise.
Eh bien, vous vous trompez.

Déjà, il y a le style, très agréable, de l'auteur qui se glisse sans aucun problème dans la peau du petit Simon - on sent à quelques occasions l'adulte qui parle à travers l'enfant, mais tout passe sans problème. C'est plein de petites réflexions d'enfant qui ne comprend pas bien le monde d'adultes dans lequel il vit. Pour lui les choses sont simples et se résument à deux réalités : il croit ce qu'il voit et les adultes détiennent la vérité. Une sorte de dogme qui va sérieusement être ébranlé au cours de cette histoire, ou du moins être remis en perspective.

Ensuite, il y a la galerie de personnages pittoresques - autant le dire, Simon aurait pu tomber plu mal, partir en foyer, et mourir d'une overdose à 16 ans - pardon, je délire - mais vraiment, la famille aisée est assez arrangeante. C'est peut-être aussi ce qui contribue à garder la légèreté de ton, ça aurait pu sombrer dans le sordide, une sorte de virée en enfer, mais le séjour chez la grand-mère ressemble presque à des vacances, à un bol d'air, même si l'école continue et que les visites pour voir le papa ne sont pas bien réjouissantes...

Enfin, ce qui contribue au plaisir du livre, c'est qu'en dépit des soucis rencontrés, il y a beaucoup de tendresse qui se dégage. Même quand Simon pense à sa mère restée au pays des kangourous pour son travail, et qui est pourtant incapable de transmettre son amour à son fils, on sent cette attente, cette quête d'affection, et le moindre geste en prend une autant plus grande dimension.

Bref, un livre bien sympathique, à découvrir...

Jeudi 23 janvier 2014 à 21:34

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Auteur NOSAKA Akiyuki
Titre original Hotaru no haka
Illustrations Nicolas Delort

Chez Philippe Picquier :
Nombre de pages 
93
Prix 13€
ISBN 978-2-8097-0141-8
      

Première édition Novembre 2009
Traduction Patrick De Vos
 


Résumé
Quand la ville de Kobe se fait bombarder par les américains, Seita et sa petite soeur Setsuko se retrouvent livrés à eux-mêmes et tentent de survivre comme ils peuvent.
Mon avis
Pour qui a vu le magnifique dessin animé de TAKAHATA Isao, la tombe des lucioles a de quoi dérouter. A la poésie et la tendresse du cinéaste s'oppose le ton sans concession et le style désarticulé de l'auteur. Le choc est rude, et néanmoins on sent au fil des pages la qualité de l'adaptation au cinéma, qui reste très fidèle.

La plus grande difficulté vient du style très particulier de NOSAKA. Les phrases paraissent sans fin, et des défauts de constructions apparaissent. On peut s'interroger des capacités du traducteur qui a eu la très bonne idée d'écrire une postface pour présenter l'auteur, son parcours atypique, et faire mention de son style que lui-même juge parfois intraduisible. Cette désarticulation se complète par un flot continue d'informations, révélées sans fard, sans enjoliver la réalité et sans non plus la rendre plus laide qu'elle ne l'est. La vie est dure, les propos le sont, sans s'appesantir, avec une sorte de lucidité qui fait froid dans le dos, comme si NOSAKA avait enlevé la plupart des émotions de son récit.

Les illustrations sont très belles. Certaines rappellent l'ambiance du film, mais Nicolas Delort a aussi l'intelligence de prendre ses distances, c'est vraiment un beau livre.

En juin 1945, NOSAKA a vécu l'enfer du bombardement, à Kobe. Ce récit est est semi-autobiographique. On comprendra mieux la distance que prend l'auteur avec son récit, ses personnages.


(attention, à partir d'ici, mieux vaut connaître l'histoire, soit par le film, soit par le livre, le premier ne trahissant pas le second, mais ce n'est pas obligatoire, car le récit commence par la fin)


Lui aussi a perdu sa mère lors du bombardement et sa soeur est morte de faim. Il avait 14
 ans. Quelque part, ces deux événements sont fondateurs dans sa vie. Quelque chose de lui est mort lors de la guerre qu'il ne pourra jamais réparer. C'est ce qu'il raconte dans ce livre. On comprend mieux le début, où il règle ses comptes, où il commence par la fin puisque tout était déjà joué, avant de retrouver les personnes qu'il aimait et qui ont brusquement disparu.
On comprend mieux le style clinique qu'il s'applique à observer, comme guidé par une sorte de pudeur, pour ne pas verser dans l'horreur, le pathos...

Dans la tombe des lucioles, on est sans cesse confronté à la mort, la souffrance, la faim, la dégradation du corps. On en veut à cette tante et pourtant l'auteur ne l'accable pas, comme pour dire : ce n'était pas sa faute, elle pensait avant tout aux siens, quoi de plus normal ? Pas plus qu'on ne peut condamner les américains (quoique leur attitude lors de ce conflit n'ait rien eu de glorieux, loin s'en faut). La seule chose que l'on puisse condamner, c'est la bêtise de la guerre, qui frappe aveuglément.
A ce sujet, j'ai eu la chance d'assister à la projection du Tombeau des lucioles, en présence du réalisateur TAKAHATA Isao, et il y a quand même eu quelqu'un pour dire :
- Vous vous rendez compte, avec des films comme ça, vous feriez passer les japonais pour les victimes de la guerre.
Alors ok, les japonais, c'étaient pas des tendres. Mais à aucun moment n'est fait l'éloge du Japon. Pour ce que j'en sais, moi, c'est que dans une guerre, peu importe le camp, on trouve des victimes des deux côtés. Enfin bon, toute la salle a été ulcérée...


En fait, je me demande si je ne rapprocherai pas NOSAKA d'Arnost LUSTIG. On y retrouve un style abrupt, oscillant entre lourdeur et minimalisme, une absence de complaisance et d'émotion, le témoignage d'un morceau d'histoire que les deux auteurs ont vécu, dont ils ont souffert, qui les a définitivement marqués et dont, contre toute attente, ils ont survécu.
(Pour ce qui veulent, deux chroniques sont disponibles sur ce blog d'Arnost LUSTIG : voir : listes des livres chroniqués)
En conclusion, si le livre peut dérouter, voir choquer les spectateurs du film, je trouve pourtant que tout est là pour en faire une oeuvre forte et poignante, qui incite à aller au-delà.

Lundi 20 janvier 2014 à 20:23

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Auteur Muriel BARBERY

Chez FOLIO :
Nombre de pages 416
Prix 8,40€
ISBN 978-2-07-039165-3
       

Première édition 25 juin 2009





Résumé
" Je m'appelle Renée, j'ai cinquante-quatre ans et je suis la concierge du 7 rue de Grenelle, un immeuble bourgeois.
Je suis veuve, petite, laide, grassouillette, j'ai des oignons aux pieds et, à en croire certains matins auto-incommodants, une haleine de mammouth. Mais surtout, je suis si conforme à l'image que l'on se fait des concierges qu'il ne viendrait à l'idée de personne que je suis plus lettrée que tous ces riches suffisants.

Je m'appelle Paloma, j'ai douze ans, j'habite au 7 rue de Grenelle dans un appartement de riches.
Mais depuis très longtemps, je sais que la destination finale, c'est le bocal à poissons, la vacuité et l'ineptie de l'existence adulte. Comment est-ce que je le sais ? Il se trouve que je suis très intelligente. Exceptionnellement intelligente, même. C'est pour ça que j'ai pris ma décision : à la fin de cette année scolaire, le jour de mes treize ans, je me suiciderai. "

Mon avis
Il y a des livres qu'on aimerait pouvoir aimer, parce qu'on aime bien la personne qui vous l'a offert. Malheureusement, ce n'est pas le cas avec ce livre, mais je tiens à remercie vraiment beaucoup Kyra qui a voulu me faire découvrir l'un de ses livres favoris. Cela m'embête d'autant plus de faire une critique qui ne va pas être tendre.

En fait, je ne sais pas trop par où commencer, tant j'ai de choses à reprocher à ce livre.
Si le postulat de base aurait pu être intéressant, il faut bien avouer que l'histoire en elle-même n'est pas fracassante. Pire : elle fait appel à de grosses ficelles scénaristiques. Deux femmes que tout semble opposer vont se trouver des points en commun et grâce à l'intervention d'une tierce personne se révéler. Pas de quoi casser trois pattes à un canard.
Ajoutez à cela que les personnages sont carrément antipathiques. Certes, leur entourage caricatural ne les aident pas, mais toutes deux transpirent le mépris à l'égard de leurs semblables. Paloma préfère les éviter afin de ne pas avoir à supporter la bêtise de ses proches. Quant à Renée, c'est la pire. Une bonne femme hypocrite, pleine de certitudes, qui passe son temps à mentir aux autres sur son propre niveau intellectuel afin de se conformer à l'imagerie d'Epinal, qui passe son temps à jouer son rôle, et qui ne remet jamais en question ce que sont les autres, si eux aussi, coincés dans leur bulle sociale, ne se sont pas mis à jouer un rôle.
Tout cela pourrait néanmoins passer comme une lettre à la poste si l'auteur avait eu l'intelligence de mettre un peu de légèreté dans le ton et dans son style. Autant dire que c'est précisément ce qu'elle ne fait pas. Le ton est sérieux (en dépit de quelques soupçons d'humour pour faire bien), moraliste et le style est d'une lourdeur impourfendable. On se prend les pieds dedans à chaque page (personnellement, il y a deux trois phrases dont je pense qu'elles recèlent quelque défaut de construction, mais bon).

Arrivé à la moitié du bouquin, on est prêt à le condamner au bûcher.
Ayant vu le film, j'attends néanmoins l'élément perturbateur en la personne de monsieur Ozu
L'arrivée de Ozu met un peu de légèreté dans le livre.
Sauf que.
Sauf que c'est une grosse ficelle facile : il est japonais, donc les deux femmes ne peuvent que l'apprécier, toutes deux adorant le Japon, le portant aux nues comme la terre du bon goût et du raffinement (qui est aussi une telle image d'Epinal que c'en est désespérant, mais re-bon)
Sauf qu'on pourrait croire qu'il va changer les choses. Eh bien non ! Il est riche, intelligent, cultivé, de bonnes manières, de multiples talents et du coup, il ne fait que conforter les deux femmes qui, même si elles s'ouvrent un peu au monde qui les entoure, voient en lui une sorte d'icône, l'exception qui confirme la règle, en quelque sorte. Pas de quoi les réconcilier avec les snobinards idiots, les riches incultes et surtout pas avec le bas peuple, pauvre, oppressé et également inculte.

Et puis ces leçons sur le BEAU. Au bout d'un moment, ça fait chier. L'auteur, dans d'assommants soliloques, n'en finit pas de vouloir nous convaincre que certaines choses sont belles par nature et que tout être normalement constitué (c'est de l'humour) se devrait, avec un minimum d'intelligence et de culture, d'apprécier cette BEAUTE. Alors merde, quoi ! 
Si le BEAU était universel, ça ne serait pas la peine que tout le monde écrive des critiques. Il en suffirait d'une.
Et puis ces passages pseudo-philosophiques... Bon, ok, je partage certains de ses points de vue. Mais c'est dit sur un ton tellement moralisateur. Tellement "je vais vous faire la démonstration de mon immense intellect" ! Des fois, on a envie de lui dire : ta gueule. (oui, c'est pas très gentil, ni poli, ni rien, mais c'est elle qui a commencé !)

A la fin, ça redécolle un peu. Pour un peu, on pardonnerait presque aux personnages. Puis les adieux de Renée viennent tout replomber, c'est interminable, on a envie de l'aider.


Bon, avec avis aussi assassin, vous comprendrez que je ne vous conseille pas ce livre.
Cependant, pour ce que j'en ai vu, certains le tiennent en très haute estime. Peut-être parce qu'il regorge de références qui flattent leur ego, je n'en sais rien. Autant vous faire une idée par vous-même. Mais empruntez-le à la bibliothèque, que vous ne veniez pas me dire ensuite que vous avez dépensé vos sous pour rien.

Vendredi 3 janvier 2014 à 18:51

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Auteur Mathias MALZIEU

Chez J'AI
 LU :
Nombre de pages 151
Prix 5€
ISBN 978-2-290-35038-6
       

Première édition Septembre 2006





Résumé
" Comment on va faire maintenant qu'il fait tout le temps nuit sur toi ? Qu'est-ce que ça veut dire la vie sans toi ? Qu'est-ce qui se passe pour toi là ? Du rien? Du vide ? De la nuit, des choses de ciel, du réconfort ? "
Mathias, une trentaine d'années mais une âme d'enfant, vient de perdre sa mère.
Sans le géant qu'il rencontre sur le parking de l'hôpital, que serait-il devenu ?
Giant Jack, 4,50 m, " docteur en ombrologie ", soigne les gens atteints de deuil. Il donne à son protégé une ombre, des livres, la capacité de vivre encore et rêver malgré la douleur... Il le fera grandir.

Mon avis
Quand on lit en quatrième de couverture qu'il y a du Lewis CARROLL et du Tim BURTON dans ce récit, je suis plutôt d'accord. A ces deux auteurs, j'en ajouterais d'ailleurs un troisième, qui fait très bien la jonction : Neil GAIMAN. Parce que les points communs qui les relient sont nombreux : une certaine forme de poésie, un attrait pour l'étrange un brin morbide, pour l'humour grotesque.
(Bon, ok, ce n'est un secret pour personne, je ne suis en général pas fana des films de Tim BURTON, mais j'aime pourtant ses univers)

Le début du livre n'est franchement pas gai. Il faut s'accrocher, d'autant que le style est assez surprenant, très écrit, et pourtant très oral. Des fois, c'est même un peu trop. Je veux dire : ça part un peu trop dans tous les sens, et durant quelques lignes, on ne sait plus trop où l'auteur veut nous conduire. Puis il nous repose un peu plus loin sur les rails en douceur, avec comme un aveu de digression.
Le roman - j'aurais tendance à dire nouvelle, vu l'épaisseur du livre - prend son véritable envol au retour à la maison. Le personnage est tiraillé entre sa peine et son envie de ne plus souffrir. C'est touchant, drôle, terrible, tout à la fois, comme dans les histoires des auteurs cités plus haut, d'ailleurs.
Et MALZIEU arrive à placer sa fin sur un ton juste, sur ce point d'équilibre précaire si difficile à atteindre.

Vraiment un chouette bouquin, et je remercie vraiment beaucoup Kyra de me l'avoir offert ! (un poutou pour toi, tiens !)

Mercredi 11 décembre 2013 à 22:42

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Auteur Nancy HUSTON


Chez Actes Sud :
Nombre de pages 351
Prix 21€
ISBN 978-2-330-02265-5
       

Première édition Août 2013




Résumé 
Sur un lit d'hôpital, Milo s'éteint lentement.
A son chevet, le réalisateur new-yorkais Paul Schwarz rêve d'un ultime projet commun : un film qu'ils écriraient ensemble à partir de l'incroyable parcours de Milo.
Dans un grand mouvement musical pour chanter ses origines d'abord effacées puis peu à peu recomposées, ce film suivrait trois lignes de vie qui, traversant guerres et exils, invasions et résistances, nous plongeraient dans la tension insoluble entre le Vieux et le Nouveau Monde, le besoin de transmission et le rêve de recommencement.
Du début du XXe siècle à nos jours, de l'Irlande au Canada, de la chambre sordide d'une prostituée indienne aux rythmes lancinants de la capoeira brésilienne, d'un hôpital catholique québecois aux soirées prestigieuses de New York, cette histoire d'amour et de renoncement est habitée d'un bout à l'autre par le bruissement des langues et l'engagement des coeurs.

Pour commencer
J'ai reçu ce livre dans le cadre des matchs de la rentrée littéraire organisés par le site Price Minister (Vous pouvez cliquer sans crainte sur ce lien qui conduit au blog et pas au site marchand. Vous pourrez ainsi découvrir les autres titres en compétition)
Un grand merci donc à Price Minister. Je ne sais combien il y a de participants, mais ça doit faire un sacré nombre de livres à expédier !
Un grand merci aussi aux Editions Actes Sud.
EDIT : J'ai eu les chiffres. Olivier, notre gentil interlocuteur chez Price Minister m'a donné le nombre impressionnant de 1000 participants !
Enfin, merci à Kyra, sans qui je serai passé à côté de cet événement.

Mon avis
Le livre
A vrai dire, ça n'a pas été une évidence, le choix du titre. Parce que, dans l'ensemble, ce n'est pas le genre de lectures qui m'attire. Il y avait deux autres titres susceptibles de m'intéresser, en plus, Dans la lumière, de Barbara KINGSOLVER, et Lady Hunt de Hélène FRAPPAT. Ces deux titres semblaient plein de mystères, et j'aurais naturellement opté pour l'un de ceux-ci.
Mais le résumé de Danse noire évoquait le cinéma et une sorte de reconstitution historique à travers la fiction.
Au final, c'est bête à dire, mais ce qui a vraiment fait la différence, c'est la couverture. Des gros plans pour les autres, une vue ouverte, étrange et un brin poétique pour Danse noire, qui m'a fascinée.

Le roman
Difficile de se faire un avis, avec ce livre. Il ne suffit pas de l'analyser en surface. Le style peut paraître rugueux (Masculin, pour ainsi dire), des passages entiers en anglais, de nombreux personnages, des époques différentes...
Personnellement, à part pour les poèmes, je n'ai eu aucun souci avec l'anglais. Mais la traduction (faite par l'auteur) vaut aussi le détour, avec l'accent de Québec.

C'est un récit qu'il faut apprivoiser. Nancy HUSTON a une plume incroyable, forte, énergique. En quelques mots, elle capte l'essentiel d'une situation et pose ses phrases aiguisées pour nous la restituer. Elle aborde des sujets durs sans détourner le regard, drogue, sexe, guerre, etc... et si ses propos sont crus, elle ne franchit jamais la frontière qui la ferait sombrer dans la vulgarité.

La trame se divise en trois histoires complémentaires : Milo, sa mère, son grand-père.
Aucune n'est particulièrement gaie, il faut bien l'avouer. On louvoie entre l'espoir toujours déçu et les abîmes de ténèbres, entre les mauvaises décisions de la vie et les solutions de survie.
Deux choses particulièrement passionnantes se dégagent :
- La grande richesse des personnages. Ils ont tant à raconter, tant de raisons de mentir, de se replier sur eux-mêmes ou d'espérer. Ce sont les vies du grand-père et de la mère qui ont façonné celle de Milo. HUSTON a un vrai talent pour décrire ces trois existences, les renvoyer l'une à l'autre en dépit des époques différentes, des mensonges et des absences. Ainsi se tisse petit à petit la toile d'araignée de cette famille de déracinés.
- L'interaction entre les personnages et leur époque. Certains d'entre eux tentent d'entrer dans l'histoire, la plupart la subit, mais on ne perd jamais de vue l'interconnexion historique, géographique.
Le grand-père reste marqué à jamais par la guerre d'indépendance irlandaise et les premiers balbutiements de l'IRA avant son exil. La mère a abandonné ses racines indiennes et essaie de survivre dans la société canadienne, soumise à l'exploitation et tombant dans les pièges que lui tendent la société et ses désillusions. Milo est trimbalé de foyer en foyer, comme une feuille dans le vent, et subit les humeurs et la jalousie de ses proches avec plus ou moins de bonheur.
A chaque chapitre, c'est donc un instantané d'un peuple, d'une époque, que livre HUSTON, et les images qui viennent sont particulièrement fortes.

Certains reprochent que la froideur de style empêche l'empathie avec les protagonistes. C'est vrai qu'il y a un certain recul, un manque d'émotion. Mais les faits racontés sont assez sombres pour se suffire à eux-mêmes, sans avoir besoin d'en rajouter et de convier les violons, et cela correspond aussi bien au caractère de Milo.
Ce côté froid vient en partie aussi du réalisateur, qui intervient avec ses fondus et ses indications de mise en scène, mais j'ai trouvées ses interventions plutôt bienvenues : il y a beaucoup d'ellipses et comme elles sont indiquées, on n'est jamais perdu.


Restent quelques petites choses...
A part pour le grand-père, aucune histoire n'est finalement complète. De la vie de la mère, nous n'avons qu'un échantillon, et pour Milo, il faudra boucher nous-mêmes le trou entourant sa fin. Je me demandais si les trois récits allaient converger vers une sorte d'apothéose et puis non.
Et puis j'ai beaucoup de mal à croire finalement à cette histoire de film. En l'état, les trois histoires entremêlées développent des thèmes communs, mais explorer ainsi le fil de trois vies me parait bancal. Et puis je ne suis pas sûr que finalement, ce film aille quelque part. J'y vois surtout un prétexte.

Enfin, de petites erreurs ? ou c'est moi qui ai mal compris...
Page 27 : AWINITA, MARS 1951... et dix lignes plus bas, on lit : journée de Décembre...
Page 293 : C'est peut-être un clin d'oeil, mais normalement, y compris dans un hôtel huppé, on ne mange pas d'oeufs à la coque avec des petites cuillères en argent. Le soufre de l'oeuf et l'argent réagissent ensemble. La cuillère s'oxyde et le goût de l'oeuf est fortement altéré...



En dépit de ces quelques détails, parce que j'ai vraiment été impressionné par la force qui se dégage du récit, pour la qualité des reconstitutions, des atmosphères, des personnages, et aussi parce que je suis bien obligé de le faire (ça fait partie du contrat avec Price Minister) je vais mettre la note de 17 au livre de Nancy HUSTON, en lui souhaitant le meilleur résultat possible au concours.

Jeudi 7 novembre 2013 à 12:28

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