Auteur NOSAKA Akiyuki
Titre original Hotaru no haka
Illustrations Nicolas Delort
Chez Philippe Picquier :
Nombre de pages 93
Prix 13€
ISBN 978-2-8097-0141-8
Première édition Novembre 2009
Traduction Patrick De Vos
Résumé
Quand la ville de Kobe se fait bombarder par les américains, Seita et sa petite soeur Setsuko se retrouvent livrés à eux-mêmes et tentent de survivre comme ils peuvent.
Mon avisPour qui a vu le magnifique dessin animé de TAKAHATA Isao, la tombe des lucioles a de quoi dérouter. A la poésie et la tendresse du cinéaste s'oppose le ton sans concession et le style désarticulé de l'auteur. Le choc est rude, et néanmoins on sent au fil des pages la qualité de l'adaptation au cinéma, qui reste très fidèle.
La plus grande difficulté vient du style très particulier de NOSAKA. Les phrases paraissent sans fin, et des défauts de constructions apparaissent. On peut s'interroger des capacités du traducteur qui a eu la très bonne idée d'écrire une postface pour présenter l'auteur, son parcours atypique, et faire mention de son style que lui-même juge parfois intraduisible. Cette désarticulation se complète par un flot continue d'informations, révélées sans fard, sans enjoliver la réalité et sans non plus la rendre plus laide qu'elle ne l'est. La vie est dure, les propos le sont, sans s'appesantir, avec une sorte de lucidité qui fait froid dans le dos, comme si NOSAKA avait enlevé la plupart des émotions de son récit.
Les illustrations sont très belles. Certaines rappellent l'ambiance du film, mais Nicolas Delort a aussi l'intelligence de prendre ses distances, c'est vraiment un beau livre.
En juin 1945, NOSAKA a vécu l'enfer du bombardement, à Kobe. Ce récit est est semi-autobiographique. On comprendra mieux la distance que prend l'auteur avec son récit, ses personnages.
(attention, à partir d'ici, mieux vaut connaître l'histoire, soit par le film, soit par le livre, le premier ne trahissant pas le second, mais ce n'est pas obligatoire, car le récit commence par la fin)
Lui aussi a perdu sa mère lors du bombardement et sa soeur est morte de faim. Il avait 14 ans. Quelque part, ces deux événements sont fondateurs dans sa vie. Quelque chose de lui est mort lors de la guerre qu'il ne pourra jamais réparer. C'est ce qu'il raconte dans ce livre. On comprend mieux le début, où il règle ses comptes, où il commence par la fin puisque tout était déjà joué, avant de retrouver les personnes qu'il aimait et qui ont brusquement disparu.
On comprend mieux le style clinique qu'il s'applique à observer, comme guidé par une sorte de pudeur, pour ne pas verser dans l'horreur, le pathos...
Dans la tombe des lucioles, on est sans cesse confronté à la mort, la souffrance, la faim, la dégradation du corps. On en veut à cette tante et pourtant l'auteur ne l'accable pas, comme pour dire : ce n'était pas sa faute, elle pensait avant tout aux siens, quoi de plus normal ? Pas plus qu'on ne peut condamner les américains (quoique leur attitude lors de ce conflit n'ait rien eu de glorieux, loin s'en faut). La seule chose que l'on puisse condamner, c'est la bêtise de la guerre, qui frappe aveuglément.
A ce sujet, j'ai eu la chance d'assister à la projection du Tombeau des lucioles, en présence du réalisateur TAKAHATA Isao, et il y a quand même eu quelqu'un pour dire :
- Vous vous rendez compte, avec des films comme ça, vous feriez passer les japonais pour les victimes de la guerre.
Alors ok, les japonais, c'étaient pas des tendres. Mais à aucun moment n'est fait l'éloge du Japon. Pour ce que j'en sais, moi, c'est que dans une guerre, peu importe le camp, on trouve des victimes des deux côtés. Enfin bon, toute la salle a été ulcérée...
En fait, je me demande si je ne rapprocherai pas NOSAKA d'Arnost LUSTIG. On y retrouve un style abrupt, oscillant entre lourdeur et minimalisme, une absence de complaisance et d'émotion, le témoignage d'un morceau d'histoire que les deux auteurs ont vécu, dont ils ont souffert, qui les a définitivement marqués et dont, contre toute attente, ils ont survécu.
(Pour ce qui veulent, deux chroniques sont disponibles sur ce blog d'Arnost LUSTIG : voir : listes des livres chroniqués)
En conclusion, si le livre peut dérouter, voir choquer les spectateurs du film, je trouve pourtant que tout est là pour en faire une oeuvre forte et poignante, qui incite à aller au-delà.