Entre-les-pages
Auteur Nathaniel HAWTHORNE
Chez Pocket :
Nombre de pages 207
Prix
EAN
Première édition
Traduction Charles Cestre
Résumé
La lettre écarlate, c'est la marque au fer rouge qui désigne la femme adultère dans l'Amérique du puritanisme obsessionnel de l'époque coloniale. Trois personnages : Hester qui vit avec une dignité admirable sa faute et sa solitude. Arthur Dimmesdale, le jeune pasteur dont les élans mystiques soulèvent à Boston l'enthousiasme des fidèles mais qui, ensorcelé par Hester, ne parvient ni à dominer ni à vivre sa sensualité. Chillingworth, le mari, qui pendant des années tourmentera en silence le pasteur.
Mon avis
Pas question en fait de marque au fer rouge, mais d'une lettre brodée sur les vêtements de la malheureuse Hester.
J'avais déjà lu des nouvelles de HAWTHORNE, et emballé par le style de l'auteur, je voulais absolument lire ce grand classique de la littérature américaine. Je n'ai pas regretté.
Deux choses sont particulièrement notables dans ce court roman : le romantisme à tendance gothique exacerbé et la charge virulente contre la bêtise du puritanisme, charge d'autant plus étonnante de la part de HAWTHORNE, qui a grandi et vécu au sein même de cetet communauté barricadée dans ses convictions.
L'entrée en matière est superbe et drôle à la fois. La critique de la médiocrité des douaniers - entièrement gratuite, l'auteur ayant certainement des comptes à régler ! vaut à elle seule le détour.
D'emblée, le ton est donné : ce sera le portrait d'une petite bourgeoisie de campagne, ancrée dans ses certitudes et prisonnière de ses propres carcans.
La suite est tout aussi magnifiquement écrite, et si avec notre recul d'homme moderne on a souvent envie de crier à notre malheureuse de se sauver de cet endroit et de refaire sa vie, son courage n'en est pas moins admirable. La scène de la forêt cristalise à elle seule tout les espoirs et les déceptions qu'ont à affronter les deux anciens amants. D'ailleurs, HAWTHORNE, bien qu'il critique la société, n'excuse la faute pas moins qu'il désapprouve le châtiment.
Il y a une sorte de duplicité à ce stade : Hester a péché, mais est une femme vertueuse, en quelque sorte. Elle subi le poids de la condamnation et pourtant en sort grandie.
Jusqu'à la toute dernière ligne, HAWTHORNE s'applique à tenir son récit. Très peu de dialogues, qui auraient sûrement alourdi le récit, juste des propos rapportés rapidement.
Horrible et pourtant, tellement révélateur de toute une société.
Jeudi 18 septembre 2014 à 13:59
Auteur OGAWA Yoko
Titre original Hoteru Airisu
Chez Babel :
Nombre de pages 237
Prix 7,70€
ISBN 2-7427-3731-6
Première édition Avril 2002
Traduction Rose-Marie Makino-Fayolle
Résumé
Mari est réceptionniste dans un hôtel appartenant à sa mère.
Un soir, le calme des lieux est troublé par des éclats de voix : une femme sort de sa chambre en insultant le vieillard élégant et distingué qui l'accompagne, l'accusant des pires déviances.
Fascinée par le personnage, Mari le retrouve quelques jours plus tard, le suit et lui offre bientôt son innocente et dangereuse beauté.
Mon avis
De cette lecture, prise un peu au hasard, je ne sais trop ce que j'attendais. Un jeu de séduction entre les deux, ou une sorte de libération pour Mari.
En tout cas, pas au tour assez brutal que prend le récit et qui ne m'a pas trop plu.
Et puis, il va vite être question de sado-masochisme (pourquoi pas ?) et de rapports de domination et de soumission (alors là, clairement pas ma tasse de thé !)
Et puis, la fin, un poil grotesque, trop rapide, qui m'a terriblement déçu.
A travers tout ça, si j'oublie cette fin et les rapports de domination, Hôtel Iris reste un très beau moment de lecture. J'ai beaucoup aimé la relation entre Mari et son vieux traducteur, quand ils ne se laissent pas aller à leur penchants lubriques. L'écriture est posée, agréable, l'atmosphère doucement vaporeuse, on a un peu l'impression de marcher dans une sorte de rêve.
Il n'y a aucune volonté de l'auteur de vouloir choquer, ni... stimuler son lectorat, ça ne sombre jamais, en dépit de la crudité de certains moments, dans la vulgarité.
Une lecture un peu mitigée, donc, et je crois que ce que j'ai préféré, ce sont les moments de l'hôtel, la façon dont peu à peu Mari s'émancipe pour vivre son désir, plutôt que ce que l'on trouve sur l'île et qui ne me correspondent pas.
Lundi 30 juin 2014 à 22:48
Auteur Helene HEGEMANN
Titre original Axolotl Roadkill
Chez Le Serpent à Plume :
Nombre de pages 295
Prix 20€
ISBN 978-2-268-07073-5
Première édition Avril 2014
Traduction Max Stadler & Lucile Clauss
Résumé
Mifti n’est pas une ado comme les autres.
Livrée à elle-même, elle sèche les cours, elle fume, se noie dans l’alcool, prend de la coke et des ecstas. Avec ses amis, ils s’envoient des SMS, des mails, ils philosophent sur la vie, chantent des airs des Pink Floyd, feraient n’importe quoi pour s’impressionner.
L’anarchie totale, quoi.
Mon avis
Difficile d'avoir un avis tranché sur cet ovni.
Difficile de s'impliquer sur une critique, car, en dépit des profondes différences qui m'opposent à Mifti, il y a des choses en elle que je reconnais en moi...
Il y a des passages que je n'ai pas aimés. De longs passages où l'on se demande où l'on va, et en fait, on ne va pas.
Des trucs totalement déconstruits, téléscopage de concepts abstraits et abscons qui noient le discours.
D'autres passages sont comme autant de bougies vacillantes dans l'obscurité. C'est noir, et pourtant on sent un humour, un cynisme assez plaisant, pour peu qu'on ait perdu nous aussi foi en nos prochains, en l'humanité, en l'amour, en tout un tas de trucs censés nous attacher un peu à ce monde et nous donner l'illusion d'être bien en vie.
Certains dialogues, certains lâcher-prise sous substances illicites sont plutôt bien menés, elle nous embarque dans ses descentes paranoïaques.
Mifti, au début, elle apparait un peu comme une force de la nature, comme une battante qui a décidé de tout rejeter. Plus on avance, plus elle dévoile ses failles, jusu'à ce que rapidement on s'aperçoive qu'en fait, il y a longtemps qu'elle ne se bat plus, que c'est juste une pauvre gosse paumée comme il y en a tant. Pour ça, le livre est assez cruel, parce qu'on assiste à ses dérapages, mais on n'a pas la senstation qu'on pourrait la sauver juste avec des mots.
Qu'il ne suffirait pas de la prendre dans nos bras pour parvenir à la protéger.
Axolotl Roadkill, c'est plus une expérience qu'un livre.
Faut le tester, sans aucune garantie qu'il plaise. Je ne sais moi-même toujours pas s'il m'a plu, car il semble tellement inconsistant qu'on en oublierait presque les moments forts.
Et il ne faut pas espérer qu'il répondra à nos propres interrogations.
Mais il est intéressant à découvrir en dépit de tous les freins qu'il oppose.
J'ai choisi ce livre pour le petit challenge de DRUSSNAGA : l'énigme des 5 continents. Donc, celui-ci compte pour l'europe.
Jeudi 8 mai 2014 à 17:15
Auteur Renaud JOUBERT
Chez Le Serpentà Plumes :
Nombre de pages 251
Prix 15€
ISBN 2-84261-276-0
Première édition Juin 2001
Résumé
La caravane Kouchka suit son chemin à travers les paysages rocailleux et rien ne l’arrête. Elle va vendre son chargement d’épices et de riz à Mafen, au sud du royaume.
Pourtant, au sortir du Dar Sour, la tribu apprend qu’une guerre a éclaté et que la ville est inaccessible. Le convoi décide alors de s’immobiliser dans le petit village côtier de Sandr, le temps que la voie soit à nouveau libre.
Pour Isla qui avait toujours rêvé de voir la mer, cet imprévu est une bénédiction. Lassée par la sécheresse du Dar Sour qui brûle son visage et consume sa jeunesse, fatiguée de regarder chaque jour les vents de sable effacer le passé, la jeune Kouchka aspire à une vie plus paisible. À Sandr, elle trouve la douceur et l’harmonie qui, selon elle, font tant défaut au désert.
Surtout, elle rencontre un séduisant pêcheur, pour lequel, charmée par ses récits enchanteurs et ses éloges de la mer, elle se détourne de son promis, Fulvi. Lorsque la jeune nomade décide de rester à Sandr, la rivalité entre le désert et la mer atteint son paroxysme. Mais les esprits du désert veillent sur leurs fils. Laisseront-ils Isla trahir sa tribu ?
Mon avis
Tout est dit quasiment sur la quatrième de couverture :
"A la manière d'un conte oriental, Les esprits du désert nous fait voyager en des temps et en des lieux immémoriaux, quand la force des légendes infléchissait le destin des hommes"
J'ai beaucoup aimé ce petit livre. Le rythme est lent, l'action peu présente, et pourtant il s'en dégage une sorte de majesté évoquant l'Asie (comme les steppes mongoles, au début, je trouve), l'Afrique du Maghreb et surtout le Moyen-Orient, mais sans que cela soit précisément situé. Impossible de placer sur une carte la géographie du livre, pas plus que de le relier à une époque précise (seul lien moderne : la présence de deux fusils). L'auteur prend même la précaution de se dégager de toute religion préformatée et évoquant sa propre mythologie orientée vers une forme d'animisme.
Il y a beaucoup de retenue, de pudeur de la part des protagonistes. Une noblesse de dégage d'eux, aussi ancrés, prisonniers de leurs convictions soient-ils. Au-delà de la simple histoire d'amour tragique, c'est aussi le choc des cultures que décrit JOUBERT, la difficulté de comprendre l'autre et de s'émanciper de ses préjugés.
Tout le récit se tisse sur des actes désespérés, entre silences et mauvaises décisions, et j'y ai trouvé une résonnance toute personnelle.
Enfin, la forme du conte est originale, et le style en est très maîtrisé jusqu'au bout. Une fausse simplicité de ton qui dégage beaucoup de poésie et qui rendent les émotions exacerbées plus riches et moins mièvres. Le peu qui est dit révèle en fait les tiraillements vécus par les personnages, entre leurs sentiments et leur carcan social.
Une profonde tristesse imprègne les lignes du récit et si dès le début on sent à l'instar du vieux chef Kouchka un dénouement terrible, rien n'est pourtant écrit à l'avance. Du coup, il n'est pas difficile de s'imprégner de la peine des personages, du triangle "amoureux" comme des personnages secondaires.
Je suis bien content d'être tombé sur ce livre et de l'avoir acheté un peu par hasard.
Samedi 26 avril 2014 à 21:15
Auteur Julie OTSUKA
Titre original The buddha in the attic
Chez Phébus :
Nombre de pages 144
Prix 15€
ISBN 978-2-7529-0670-0
Première édition 30 Août 2012
Traduction Carine Chichereau
Résumé
Nous sommes en 1919.
Un bateau quitte l'Empire du Levant avec à son bord plusieurs dizaines de jeunes femmes promises à des Japonais travaillant aux États-Unis, toutes mariées par procuration.
C'est après une éprouvante traversée de l'Océan pacifique qu'elles rencontrent pour la première fois à San Francisco leurs futurs maris. Celui pour lequel elles ont tout abandonné. Celui auquel elles ont tant rêvé. Celui qui va tant les décevoir.
À la façon d'un chœur antique, leurs voix se lèvent et racontent leurs misérables vies d'exilées... leurs nuits de noces, souvent brutales, leurs rudes journées de travail dans les champs, leurs combats pour apprivoiser une langue inconnue, la naissance de leurs enfants, l'humiliation des Blancs... Une véritable clameur jusqu'au silence de la guerre et la détention dans les camps d' internement – l'État considère tout Japonais vivant en Amérique comme traître.
Bientôt, l'oubli emporte tout, comme si elles, leurs époux et leurs progénitures n'avaient jamais existé.
Mon avis
Un roman incroyable !
Cela faisait longtemps que ce livre me faisait de l'oeil, par son titre et sa couverture, et enfin je l'ai lu !
J'ai beaucoup aimé son originalité, l'usage de la première personne du pluriel, ne centrant pas le récit sur un personnage central, mais interrogeant en même temps toutes ces femmes pour recueillir le témoignage de leurs vies.
Du coup, certains trouveront que ça manque d'émotion et que les longues listes sont rébarbatives, mais ça n'a pas du tout été mon cas. Je n'ai pu m'empêcher d'admirer le courage et l'abnégation de ces pauvres femmes, on se frotte à leurs destins sans fioritures quand une sorte de saga générationnelle aurait eu tendance à dissoudre tout ça dans une trame narrative traditionnelle pour ensuite tenter d'exacerber tout ça de façon plus artificielle. Là, on est vite submergé par toutes ces voix qui s'élèvent et qu'on peine pourtant à reconnaître dans la foule.
Au passage, j'ai appris la déportation des japonais par le FBI, fait dont j'étais à ma grande honte totalement ignorant et qui m'a donné envie de lire l'autre livre de l'auteur plus axé sur ce moment.
Au passage, Julie OTSUKA dresse un tableau de notre monde assez désabusé, ce qui me convient plutôt, où l'espoir est maintes fois moissonné pour n'en laisser que des fétus. Le portrait de ses concitoyens américains n'est guère flatteur, car si certains sont de braves personnes, beaucoup sont dans la défiance et la crainte de l'autre, aussi insignifiant soit-il. Loin du cliché vendu par Hollywood, on se rapproche presque plus d'une vision à la Michael Moore.
Un livre bouleversant, une plume forte et pourtant une écriture toute simple, un beau et court roman que je vous conseille.
Vendredi 28 février 2014 à 22:04