

Auteur David MITCHELL
Titre original Cloud Atlas
Chez les Editions de l'Olivier :
Nombre de pages 660
Prix 23€
ISBN 978-2-87929-485-8
Première édition 2007
Traduction Manuel Berri
Résumé
Adam Ewing est un homme de loi américain, embarqué à bord d'une goélette partie de Nouvelle-Zélande et faisant route vers San Francisco, sa ville natale. Il n'a rien à voir avec Robert Frobisher, lequel, un siècle plus tard, se met au service d'un compositeur génial pour échapper à ses créanciers.
Ni l'un ni l'autre ne peuvent connaître Luisa Rey, une journaliste d'investigation sur la piste d'un complot nucléaire, dans la Californie des années 70.
Ou Sonmi~451, un clone condamné à mort par un État situé dans le futur.
Pourtant, si l'espace et le temps les séparent, tous ces êtres participent d'un destin commun, dont la signification se révèle peu à peu. Chaque vie est l'écho d'une autre et revient sans cesse, telle une phrase musicale qui se répéterait au fil d'innombrables variations.
Mon avis
J'ai vu le film dans une petite salle, et j'ai eu envie de découvrir ce qui se cachait derrière les images.
La lecture commune sur Livraddict tombait pile poil pour moi. Il fallait que je me fasse mon propre avis, d'autant que les critiques sont assez diverses sur internet. Certains crient au génie, d'autres ressortent indignés, ou pour le moins dans l'incompréhension. C'est donc chose faite.
Que penser de ce livre, de ses multiples récits ?
Leurs articulations ne m'ont pas posé de souci (contrairement à certain qui a mis un beau point d'interrogation en fin du premier demi-récit dans le livre de la bibliothèque...)
Nous sommes confrontés à différentes histoires, qui tissent des liens ténus entre-elles (ainsi, nous écoutons un homme qui nous raconte sa vie, qui parle de croyances ancestrales qui évoquent un film où l'on parle d'un roman, dans lequel il est mention d'une relation épistolaire où l'on nous rapporte l'existence d'un journal intime. Et chaque niveau renvoie à l'inférieur et au supérieur, et parfois saute des niveaux pour venir doucement imprégner une autre époque.
Ainsi, l'on a six récits, se déroulant à diverses époques :
- Journal de la traversée du Pacifique d'Adam Ewing : Ewing est un jeune notaire qui doit quitter l'Océanie pour rentrer en Amérique, mais il tombe malade et confie sa vie aux bons soins d'un médecin durant la traversée.
- Lettres de Zedelghem : Robert Frobisher est un jeune musicien déshérité qui décide pour fuir ses créanciers de retrouver un vieux compositeur en Belgique afin de devenir son assistant.
- Demi-vies, la première enquête de Luisa Rey : Luisa Rey, journaliste, enquête sur une centrale atomique et un rapport qui a la fâcheuse tendance à vouloir disparaître.
- L'épouvantable calvaire de Timothy Cavendish : Timothy est éditeur. A peine a-t-il le temps de connaître une sorte de succès qu'il se retrouve enfermé dans une maison de retraite.
- L'oraison de Sonmi-451 : l'interrogatoire de la clone Sonmi, qui prend conscience de sa condition et deviens l'unique porte-parole pourchassé de ses semblables.
- La croisée d'Sloosha pis tout c'qu'a suivi : Zachry, simple gardien de chèvres, découvre le vraie visage de la déesse qu'il adore et lutte contre ses vieux démons.
Les six histoires sont toutes très différentes, même si elles ont des thèmes communs : la lutte d'un individu face à l'adversité, le devenir de la société et la survie de l'humanité contre les actes individuels...
Toutes sont très bien écrites, chacune à sa façon, même si on reconnait toujours le rythme, le style de l'autre David MITCHELL qui se cache derrière. Ma préféré pour l'histoire, et la construction de l'histoire, c'est le Calvaire de TC. Ma préférée pour l'idée de l'histoire, c'est l'Oraison de Sonmi (mais j'aime beaucoup aussi les néologismes qui l'illustrent) et ma préférée sur le style, car la plus surprenante, c'est la Croisée d'Sloosha (elle aussi écrite avec tout un tas de barbarismes tout à fait convaincants).
Sur le style de l'auteur, quelques mini lourdeurs (difficilement évitables sur un roman de cette envergure, je pense) sont rapidement oubliées devant la fluidité de la narration, et le nombre de trouvailles. C'est très dense, mais agréable à lire (même si j'ai dû maintenir un rythme soutenu pas super plaisant de mon côté pour des raisons personnelles).
Pour autant, Demi-vies m'a posé quelques petits soucis quant à là où souhaitait nous conduire l'auteur, je trouve qu'on perd parfois de vue l'intrigue au détriment d'un côté sensationnel.
Et j'aurais également aimé que des liens moins éthérés relient les récits - sans toutefois aller jusqu'à cette marque en forme de comète, qui n'apporte rien au récit, et est peut-être de trop - mais plus comme une toile d'araignée.
Du coup, le propos se dilue peu à peu, et on suit les histoires comme on suivrait autant de nouvelles indépendantes.
Ceci dit, ayant vu le film et lu le livre à la suite, je ne peux m'empêcher de saluer l'exceptionnel travail d'adaptation qui a été fait, et dans l'ensemble (sauf peut-être pour la toute fin de Sonmi, qui me semble plus pertinante dans le livre pour ce petit mais non insignifiant détail de la manipulation politique)
Le journal d'Adam Ewing a été simplifié, sans pour autant perdre l'essence du récit, l'histoire de Frobisher est plus poignante, l'enquête de Luisa Rey différente, plus volontaire, le calvaire de Cavendish plus drôle, le récit de Sonmi plus spectaculaire, plus recentré même si on perd de l'arrière-plan bien tissé du livre (l'affrontement final autour de Sonmi est presque grotesque dans le film, surtout comparé au livre), et le récit de Zachry se perd aussi moins, se construit plus comme une fable, un conte merveilleux. Par contre, le film manque d'une âme, de la possibilité de s'identifier durablement à un personnage, écueil dont le livre souffre moins.
Il n'en demeure pas moins que le livre est vraiment bien, riche, très documenté ; indépendamment les unes des autres, les histoires sont superbes. Il manque juste des liens subtiles mais à la fois plus concrets, des interconnexions entre les époques, qui unissent les six récits. Et là, je crois, on aurait touché la perfection.
Je ne suis pas fan de la couverture du livre, pour cette édition. Entre le titre énigmatique et la couverture qui ne raconte rien... le piano n'intervenant que dans les lettres de Frobisher... Alors je mets une affiche du film qui a au moins le mérite de réunir trois des six époques du récit.
